Résumé
Au cours de la saison 1993, 119 marmottes ont été
capturées, dont 59 nouveaux individus. Depuis le début de
l'étude, 146 individus différents ont été
capturés et marqués. Le nombre annuel des captures est en
augmentation régulière ; l'amélioration des pièges,
un effort de capture accru dans le temps (début et fin de saison active)
et l'espace (nombre de groupes familiaux) en sont les raisons essentielles.
Ceci permet une meilleure estimation de divers paramètres biologiques.
La sex ratio s'établit à 0,54, le nombre moyen de jeunes par
portée est de 4,05. La croissance pondérale estimée par
régression en fonction du temps est de l'ordre de 20 gramme par jour
sauf chez les adultes où elle ne dépasse pas 8 grammes. Enfin,
l'histoire des groupes montre que de nombreux changements affectent la
composition sociale mais aussi spatiale des groupes familiaux établis.
Summary
In 1993, 119 marmots, of which 59 were new, have been trapped. From
1990, 146 different individuals have been trapped and marked. The annual number
of trapped animals increased regularly. This increase results from the
improvement of the traps used and from a greater pressure of capture not only
on an increasing number of familial groups but also during time, especially at
the beginning and the end of the activity season. The accuracy of some
biological parameters is therefore improved. Sex ratio at the emergence of the
young from burrows is 0,54. The mean number of young by litter is 4,05. The
mean weight increase, calculated from linear regression on time is of 8 g/day
for the adults and 20 g/day for all the other age classes. The history of
familial groups shows many changes in social composition and at a lesser extent
spatial range of familial groups in our study site.
Nous suivons la population de marmottes de la Réserve de la Grande Sassière depuis Juin 1990 et plusieurs améliorations successives tant de la méthode de piégeage que du marquage individuel ont été apportées. Un effort particulier de capture a été appliqué aux jeunes de l'année depuis 1992 surtout, avec l'objectif de disposer d'animaux d'âge connu marqués le plus précocement possible (Allainé et al. 1992). Ceci permet en outre par la capture de portées complètes de calculer la sex ratio à l'émergence des terriers, d'estimer les probabilités de survie de l'émergence à la dispersion, de suivre enfin le devenir des jeunes au cours des années successives. En conjonction avec l'analyse génétique, nous espérons également, à terme, progresser dans la connaissance des liens de paternité entre adultes et jeunes.
1990 | 27 |
1991 | 43 |
1992 | 57 |
1993 | 119 |
Total | 246 |
Les chiffres fournis (Tableau I) représentent les captures et éventuellement les recaptures de certains individus tant d'une année sur l'autre qu'au cours de la même année. En tenant compte de cela, nous parvenons à un total de 146 individus différents capturés depuis le début de l'étude. Pour 1993, 59 nouveaux individus ont été capturés. Leur répartition est donnée dans le Tableau II.
Adultes | 2 ans | 1 an | Marmottons | Total | |
Mâles | 7 | 1 | 5 | 18 | 31 |
Femelles | 10 | 0 | 2 | 16 | 28 |
Total | 17 | 1 | 7 | 34 | 59 |
Plusieurs méthodes de marquage ont été successivement testées. Depuis le début, les animaux sont marqués aux oreilles par une barrette métallique numérotée et par une marque plastique colorée associée à une seconde barrette numérotée. La teinture du pelage a été pratiquée en 91 et 92 surtout. Ébauchée en 91, la pose de transpondeurs est maintenant systématique sauf pour les marmottons pris dans les jours suivant l'émergence (problème de taille) : 82 animaux différents en ont été équipés.
Le transpondeur (TIRIS, système d'identification radio-fréquence) présente l'avantage d'un marquage infaillible permanent mais nécessite d'avoir l'animal en main pour l'identifier. Le marquage par barrettes métalliques présente les mêmes contraintes et est moins fiable car des cas de perte ont été constatés. Marques colorées et teinture ont le grand intérêt de permettre une reconnaissance individuelle à distance, indispensable pour le suivi comportemental. Elles ont l'inconvénient d'être peu durables. La teinture disparaît à la mue (courant juillet). Les marques colorées ont une durée imprévisible : certains individus sont encore marqués deux ans après, d'autres perdent les marques en 15 jours. Il est certain que le marquage permettant la détection à distance reste le problème majeur non résolu à l'heure actuelle.
En ce qui concerne le rythme de reproduction, il est encore difficile d'avoir une estimation précise. Le changement des adultes reproducteurs est relativement fréquent dans les groupes, ainsi que la faillite de capture de certains d'entre eux certaines années. Il est alors impossible, si les marques colorées ont disparu, de savoir si l'adulte reproducteur est le même que celui de l'année précédente. Nous constatons cependant dans certains groupes du fond de vallée, la présence directe (ou indirecte : présence de yearlings) d'une reproduction pendant 3, 4 ou 5 années successives. Dans un cas au moins (groupe D) la même femelle s'est reproduite 4 ans de suite.
La croissance pondérale peut être estimée à partir des animaux capturés sur les 4 ans. Nous donnons les graphiques correspondants aux données cumulées pour tous les individus pris de 90 à 93 ainsi qu'un graphique correspondant aux recaptures faites au long d'une même saison d'activité (essentiellement en 1993). Les quatre classes d'âge reconnues lors des captures : adultes, deux ans, yearlings et marmottons apparaissent bien distinctes tout au long de la saison (Figure 1). Il apparaît bien difficile sur cette base de différencier par contre les animaux âgés de plus de deux ans qui sont tous classés comme adultes.
Une régression linéaire montre un taux de croissance très comparable pour les animaux immatures en cours de saison. La pente des droites vaut approximativement 0,02 de mai à fin septembre, ce qui correspond à un accroissement pondéral moyen de 20 grammes par jour. Il est vraisemblable qu'une régression non linéaire correspondrait mieux au rythme supposé de croissance (ralentissement en début et en fin de saison) mais le nombre de points en fin de saison est encore trop faible pour valider un tel ajustement. En ce qui concerne les adultes, la pente est beaucoup plus faible (0,007) ce qui n'est pas surprenant et la dispersion des masses apparaît également plus importante.
Les résultats obtenus sur les recaptures individuelles (Figure 2) sont en accord avec les résultats globaux.
La figure 4 montre les événements observés dans la seule saison 93, où de nombreux changements se sont produits.
Plusieurs faits sont à signaler :
- La constatation directe d'un cas d'infanticide par un mâle subadulte immigrant et la quasi certitude d'un second, en plus d'observations concordantes faites en 91.
- La vraisemblable migration de la femelle résidante du même groupe B avec les jeunes survivants et son établissement aux frontières de B et d'un autre groupe (observations de Septembre).
- L'établissement d'un couple satellite aux abords immédiats du chalet. L'an dernier déjà un individu s'était établi précairement dans la même zone, en butte aux attaques incessantes du mâle adulte de B. Cet individu dispersé de B en 91, semble avoir survécu à une hibernation solitaire et a résisté aux attaques des mâles des groupes B, G et D, sur les territoires desquels il empiétait partiellement. Le couple formé courant Juillet était présent fin Septembre.
- - - - - : Limites du nouveau domaine vital "Devant le chalet" (voir fig. 4)
* : Lieu d'observation de la femelle et de 4 marmottons de B en Septembre 93
: chalet
- L'invasion" du territoire de B par trois mâles familiers, deux frères de deux ans et un mâle de trois ans probablement apparentés, témoigne de la faculté de recrutement entre individus de même groupe familial, un fait déjà noté entre un mâle adulte et un fils présumé en 91.
- Le départ d'une femelle subordonnée de trois ans du groupe B et son installation fin Juin dans le groupe A voisin en remplacement de la femelle de ce groupe.
Il faut signaler que les causes de la "disparition" respective du mâle résidant de B et de la femelle résidante de A n'ont pu être observées et nous sont inconnues.
D'autre part, le suivi régulier des groupes les mieux connus commence à porter ses fruits et permet d'observer les remaniements entre groupes voisins. Ceci devrait permettre à terme une meilleure compréhension des phénomènes de dispersion, de recrutement et de l'installation de dispersants à proximité de leur lieu de naissance. Il sera très intéressant de suivre en 94 les relations entre les trois mâles de C installés en B, ainsi que le devenir du couple satellite installé devant le chalet.
Enfin nous devrions déboucher sur une meilleure estimation du rythme de reproduction et de la durée pendant laquelle un individu demeure effectivement reproducteur, bases d'estimation du succès reproducteur global des individus.
Il apparaît ainsi que le suivi à long terme reste essentiel et prometteur tant sur le plan de la compréhension des paramètres quantitatifs que sur le plan de l'analyse des mécanismes comportementaux et spatiaux caractérisant le fonctionnement des populations de marmottes.