Preleuthner et al. 96

Biodiversité chez les marmottes / Biodiversity in marmots,
Le Berre M., Ramousse R. & Le Guelte L. eds., International Marmot Network, 245-246.
ISBN : 2-9509900-0-2


L'analyse électrophorétique de quinze populations sauvages (Marmota marmota) révèle un ancient goulot d'étranglement

Electrophoretic analysis of 15 wild marmot populations
(M. m. marmota)
reveals an ancient bottle neck

PRELEUTHNER M.*, PINSKER W.**, GRINNER M.**
*Institut für Wildbiologie und Jagdwirtschaft, Peter Jordan Strasse 76, A-1190 WIEN, AUSTRIA.
**Institut für Allgemeine Biologie, Währingerstr. 17, A-1090 WIEN, AUSTRIA.

La variation des allozymes de 15 populations de marmottes alpines de Suisse et d'Autriche a été étudiée. Seuls 2 des 50 loci (Pep-1 et Sod-1) sont polymorphes. Les génotypes Pep-1 se distinguent par leur degré d'infestation en endoparasites, suggérant que ce polymorphisme pourrait être maintenu par une sélection équilibrée. La faible variation génétique, l'absence d'allèles rares et le canevas géographique des fréquences allèliques peuvent s'expliquer en postulant un important goulot d'étranglement.
Mots-clés : Marmotte alpine, Marmota marmota, variation allozymique, endoparasites, sélection équilibrée, goulot d'étranglement.

Allozyme variation was studied in 15 Alpine marmot populations from Switzerland and Austria. Only 2 out of 50 loci (Pep-1 and Sod-1) were polymorphic. The Pep-1 genotypes differ in their degree of infestation by endoparasites, suggesting that this polymorphism may be conserved by balancing selection. Diminished genetic variation, the absence of rare alleles, and the geographic pattern of the allele frequencies can be explained by the assumption of a severe bottle-neck.
Key words: Alpine marmot, Marmota marmota, allozyme variation, endoparasites, balancing selection, bottle-neck.


Des échantillons de quinze populations de marmottes alpines (Marmota m. marmota) ont été analysés par électrophorèse pour étudier la variation des allozymes. Quatre échantillons (1 de Suisse, 3 de la partie occidentale de l'Autriche) représente des populations autochtones. Les autres échantillons proviennent de populations d'Autriche centrale et orientale. Ces dernières ne sont pas indigènes et proviennent de réintroductions répétées depuis 1860. Notre étude a révélé un niveau de variation génétique particulièrement faible, par rapport à ceux d'autres espèces du genre Marmota. Seuls deux des cinquante loci enzymatiques (4%) se sont révélés polymorphes, l'hétérozygotie moyenne étant de 1,2%. Sur les quarante-huit loci monomorphes, 6576 gènes ont été examinés sans qu'aucun allèle rare supplémentaire ne soit détecté. Par contre les deux loci Pep-1 et Sod-1 ont montré des polymorphismes prononcés, chacun ayant deux variants électrophorétiques. La variation géo-graphique de ces deux loci a été étudiée en détail. Autant d'individus que possible ont été étudiés (510 pour Pep-1 et 407 pour Sod-1). De nouveau, aucun allèle rare variant supplémentaire ne fut observé malgré la grande taille de l'échantillon. Ce patron caractéristique de variation (monomorphisme à tous les loci sauf Pep-1 et Sod-1 et absence d'allèles rares) est en accord avec l'étude effectuée par Arnold (1990) sur la population de Berchtesgaden (Allemagne). Nos données suggèrent que la faible variation chez les marmottes pourrait ne pas être un phénomène local mais un caractère général du pool génétique de cette espèce.

Le patron de distribution géographique des fréquences d'allèles indique une différenciation génétique entre populations autochtones et réintroduites. Deux allèles ont été trouvés pour chacun des deux loci. Pour Pep-1, les deux allèles sont présents dans toutes les populations étudiées. Cependant, la variation des fréquences d'allèles est plus élevée dans les populations réintroduites. Pour le locus Sod-1, les fréquences allèliques sont aussi plus hétérogènes parmi les populations réintroduites. De plus, il semble y avoir une tendance vers la fixation de l'allèle rapide, particulièrement dans les populations des Alpes orientales. La raison pourrait être que la réintroduction de marmottes dans ces région a souvent été réalisée à partir d'un petit nombre d'individus. Très souvent, les individus fondateurs provenaient d'autres populations non-autochtones. En conséquence, la variabilité génétique déjà faible était encore diminuée.

Les polymorphismes qui subsistent aux loci Pep-1 et Sod-1 ont probablement été conservés par les forces sélectives. Pour Pep-1, une explication possible est fournie par la comparaison des différents génotypes en fonction de leur degré d'infestation par les vers endoparasites : l'oxyure Citellina alpina et le plathelminthe Ctenotaenia marmotae. Bien que des études plus détaillées soient encore nécessaires, une sélection équilibrée au locus Pep-1 ou à un facteur génétique lié, pourrait jouer un rôle dans le maintien du polymorphisme. Aucune déviation marquante des distributions de génotypes par rapport à l'équilibre de Hardy-Weinberg n'a été observée. Donc la structure des populations n'est apparemment pas affectée par la reproduction consanguine. La variation génétique visiblement réduite, l'absence d'allèles rares et le patron géographique des fréquences d'allèles aux deux loci variables peuvent être expliqués au mieux par un goulot d'étranglement. Cette réduction sévère de l'effectif de la population pourrait être intervenue à la fin de la dernière glaciation, il y a environ 10.000 ans quand les marmottes se sont déplacées des plaines d'Europe centrale vers les refuges alpins.

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Allozyme variation at 50 loci was studied in 15 populations of the alpine marmot (Marmota m. marmota). Four samples (1 from- Switzerland, 3 from the western part of Austria) represent autochthonous populations. The rest of the samples was taken from areas in the central and eastern part of Austria. These populations, considered as non-autochthonous, originate from repeated re-introduction efforts since 1860. The study revealed a surprisingly low level of genetic variation compared to related species of the genus Marmota. Only 2 loci out of 50 enzyme loci (4%) were found polymorphic and the average heterozygosity was determined as 1.2%. At the 48 monomorphic loci a total of 6576 genes was examined but no rare alleles could be detected. In contrast, the two loci (Pep-1 and Sod-1) showed pronounced polymorphism, each with two electrophoretic variants. The geographic variation at the two polymorphic loci (Pep-1 and Sod-1) was studied in more detail. As many individuals as possible were analysed (520 for Pep-1, 407 for Sod-1). Again no additional rare allelic variants were observed in spite of the large sample size. This characteristic pattern of variation - monomorphism at all loci except Pep-1 and Sod-1 and the lack of rare alleles - is consistent with a study by Arnold (1990) carried out on the local population from Berchtesgaden (BRD). Our data suggest that reduced variation in marmots may be not a local phenomenom but a general feature of the pool of this species.

The geographic distribution pattern of the allele frequencies indicates genetic differentiation between autochthonous and re-introduced populations. Two alleles were found for each of the two loci. In Pep-1 both alleles were present in all populations studied. However, the variation of alleles frequencies was higher among non-autochthnonous populations. At the Sod-1 locus the allele frequencies were also more heterogeneous among the non-autochthnonous popula-tions. In addition, there is a trend towards fixation of the fast allele, especially in the populations from the eastern Alps. The reason could be that re-introduction of marmots into these regions was often carried out with a small number of individuals. Very often the founder individuals wee derived from other non-autochthnonous populations. As a consequence, the already low genetic variability was further diminished.

The remaining polymorphism's at Pep-1 and Sod-1 are probably conserved by selective forces. For Pep-1 a plausible explanation is provided by comparing the different genotypes with respect to their degree of infestation by endoparasitic worms: the oxyur Citellina alpina and the tape-worm Ctenotaenia marmotae. Although more detailed studies are still required, balancing selection at the Pep-1 locus or at a linked genetic factor could play a role in the maintenance of the polymorphism.

No striking deviations from Hardy-Weinberg equilibrium were observed. Thus the population structure is apparently not affected by inbreeding. Diminished genetic variation, the absence of rare alleles, and the geographic pattern of the allele frequencies at the two variable loci can be best explained by a bottleneck after the last glaciation about 10,000 years ago when marmots had to move from the plains of Central Europe to refuges in the Alps.


BIBLIOGRAPHIE / REFERENCES

ARNOLD W. 1990. The evolution of marmot sociality: I. Why disperse late? Behav. Ecol. & Sociobiol., 27: 239-246.
PRELEUTHNER M. & PINSKER W. 1993. Depauperated gene pools in Marmota m. marmota are caused by an ancient bottleneck: electrophoresis analysis of wild populations from Austria abd Switzerland. Acta Theriol., 38(2): 121-139.
PRELEUTHNER M. PINSKER W., KRUCKENHAUSER L., MILLER W.J. & PROSL H. 1995. Alpine marmots in Austria: The present population structure as a result of postglacial distribution history. Acta Theriol., in press.

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