Résumé : L'inventaire des populations de marmottes du
massif du Madrès-Coronat a été réalisé. La
population découverte dans une zone de pins à crochets en 1985
s'est maintenue. De nouvelles populations ont été
répertoriées, en particulier dans des landes à
genêts et sur le versant sud du massif où les conditions
écologiques étaient jugées à priori peu favorables
à l'installation des marmottes. Une population a été
signalée à faible altitude (limite du chêne vert).
Mots-clés : Marmotte alpine, Marmota marmota,
Distribution, Ecologie, Pyrénées-Orientales, France.
Abstract: Preliminary observations of the Alpine marmot
populations of the Madrès-Coronat massif. Brief description of the study
project.
The survey of Alpine marmot in the Madrès-Coronat massif was
realised. The population discovered in 1985 in a mountain pine area remained.
Other populations were found, particularly in broom heathland and on the
southern side of the massif where ecological conditions were considered as
rather unpropitious to marmot settlement. Another population was seen at low
altitude (evergreen oak borderline).
Key-words: Alpine marmot, Marmota marmota, Range, Ecology,
Pyrénées-Orientales, France.
Entre 1990 et 1994, nous avons été chargé de réaliser conjointement avec M. J.P. Pompidor, l'inventaire mammalien de ce massif pour le compte de la Réserve Naturelle de Nohèdes. Lors de cet inventaire, la présence de la marmotte des Alpes a été notée sur la totalité des vallons et des vallées centrées sur le pic de Madrès (2469 m). La fourchette altitudinale utilisée avait à cette époque été fixée entre 1700 et 2400 m, c'est-à-dire, qu'elle englobait la zone de plus grande extension des pelouses (1900-2300 m). Ce type de biotope est relativement rare dans le massif, comprimé entre la lande à genets et la forêt qui dépassent souvent les 2000 mètres, et les crêtes qui correspondent à des plateaux granitiques largement arasés par l'érosion glaciaire. Cette disposition générale suggérait que l'espace disponible peu étendu pouvait constituer un obstacle ou tout au moins un frein au développement démographique des colonies.
La réserve Naturelle de Nohèdes fonctionnant sur un mode associatif, les adhérents de l'Association Gestionnaire de Nohèdes, furent conviés à participer à ces comptages, solution élégante pour créer un lien entre les adhérents de l'association et les acteurs sur le terrain.
Les opérations réalisées eurent lieu en 1990, 1991, 1992 et à deux reprises en 1993. Les conditions météorologiques défavorables obligèrent le gestionnaire à annuler les deux comptages prévus en 1994, mettant ainsi l'accent sur l'un des points faibles de ce type d'opérations ponctuelles.
Enfin, notre ami J.P. Pompidor (qui fut conservateur de la Réserve Naturelle de Jujols jusqu'en février 1995), nous avait signalé la présence d'un noyau forestier dans le sud du massif du Coronat (Chazel 1992).
Nommé en février 1995 conservateur de la Réserve Naturelle de Jujols, l'étude de ce noyau de population installé en forêt fut promu au rang des priorités. Une demande de financement pour son étude a été faite auprès de la DIREN Languedoc-Roussilon, cette étude sera réalisée par Mlle Muriel Da Ros à partir du printemps 1996. Mais entre février 1995 et la fin de cette année, des recherches préliminaires ont été menées par Mlle Da Ros et moi-même, avec les participations occasionnelles de M. Robin Letscher, de Mlle C. Vagnon et de M. Y. Vagnon.
Ces recherches préliminaires ont porté sur trois points :
1- Complément de l'inventaire des zones occupées par la marmotte
dans l'ensemble du massif.
2- Répartition des colonies au revers Sud du massif,
c'est-à-dire, en conditions écologiques peu favorables.
3- Premières observations de suivi du noyau forestier.
Si les expériences de comptage étaient intéressantes, elles s'avèrent aujourd'hui notoirement insuffisantes pour une évaluation de l'effectif, par sous-estimation de la difficulté réelle de contrôler visuellement la totalité de la zone. En outre, les prospections menées nous ont permis de découvrir la présence de terriers isolés parfois très loin des zones où se concentre l'espèce. A ce jour, nous n'avons pas expliqué le phénomène.
La connaissance des colonies de la partie Sud du massif, s'avère indispensable pour deux raisons essentielles. D'une part en tant que préalable incontournable à la gestion des espaces naturels, d'autre part, parce que ces colonies sont installées dans des secteurs dont les paramètres écologiques paraissent éloignés de ceux existants dans les zones où l'espèce est florissante. Le versant Sud du massif est une vaste soulane, ouverte sur la vallée de la Têt par laquelle les influences méditerranéennes remontent et sont ressenties en altitude. Ainsi le bas de la vallée (600 m) constitue-t-il le domaine du chêne vert, Q. ilex, qui monte en boisements denses jusqu'à 1000 m. En petits bosquets, cette essence atteint 1200 à 1250 m, altitude à laquelle elle se mêle à Q. pubescens. Mais des sujets isolés (notion de performance individuelle) atteignent 1750 m! La zone du chêne vert est en général relayée par une zone de landes à thym et à cistes (1100-1300m), à laquelle succède la grande couronne de pins sylvestres (1400-2000 m), au-delà nous entrons dans le domaine du pin à crochets (P. uncinata) qui atteint presque les 2400 m. Ce versant, jugé peu favorable, n'avait pas été l'objet de recherches très poussées, il recèle pourtant des colonies relativement importantes, malgré les très fortes chaleurs estivales, une aridité liée aussi bien à ces chaleurs qu'à la nature de la roche mère peu propice à la conservation de l'humidité, et en bien des secteurs une exposition très importante aux prédateurs.
3- C'est J.P. Pompidor, qui a découvert le premier l'existence d'un noyau forestier sévissant entre 1550 et 1900 m dans les sylves du Sud Coronat. Le Coronat constitue un chaînon calcaire culminant à 2172 m, et en connexion orographique avec le massif du Madres proprement dit, au col du Portus (1736 m).
Cette vaste croupe calcaire dont le versant nord est situé sur la Réserve Naturelle de Nohèdes est recouverte par un beau manteau forestier, issu de la recolonisation par la forêt de secteurs largement surexploités il y a un siècle pour alimenter les forges catalanes.
La localisation géographique du noyau de marmottes des Alpes au flanc sud du Coronat suppose pour ces animaux une distance importante parcourue en forêt depuis le noyau granitique du Madres où fut réalisée l'introduction. Malgré des perturbations importantes le noyau initial découvert par Pompidor a témoigné d'un remarquable attachement au site.
Nos premières observations nous ont révélé un fait insoupçonné, à savoir que les marmottes accomplissent la totalité de leur cycle annuel dans trois secteurs différents. Ces déplacements sont en apparence accordés aux périodes optimales du potentiel trophique des différents secteurs. En outre, ce cycle que nous avons qualifié de pseudo-nomadisme est en parfaite adéquation avec l'optimum de quiétude réalisable eu égard à la fréquentation touristique du massif. Est-ce seulement un hasard?
Ces observations sur les marmottes du massif du Madrès-Coronat ne seraient pas complètes si nous ne mentionnons pas une donnée qui nous a été récemment communiquée et qui provient du Nord du massif. Des observateurs nous ont signalé la présence d'une colonie de marmottes située à basse altitude, tout près de la limite du chêne vert. Si nous pouvons confirmer cette information nous serons là dans un contexte écologique extrême qui méritera une attention particulière.
- Nous allons également tenter de vérifier des informations marginales, notamment celle à laquelle nous venons de faire allusion, qui pourrait présenter de très forts intérêts de recherche.
- Enfin, le noyau forestier fera l'objet de notre plus grande attention, afin de connaître avec précision les périodes de fréquentation de chaque site. Sur chacun, nous observerons et analyserons le rythme d'activité. Le botaniste Jacques Borrut nous prêtera son concours pour les inventaires locaux des différents secteurs utilisés par les rongeurs. Ceci afin de mieux appréhender les potentiels trophiques.