3ème Journée d'Étude sur la Marmotte Alpine, Ramousse R. & Le Berre M. eds. : 11-22.
ISBN : 2-9509900-1-0
SUIVI D'UNE RÉINTRODUCTION DE LA MARMOTTE ALPINE
À VALDRÔME
Pascale BONNET-ARNAUD, Olivier GIBOULET, TRAVERSIER J-L. & Raymond
RAMOUSSE
Laboratoire de Socioécologie et Conservation, JE 1942,
Université Claude Bernard Lyon 1,
43 boulevard du 11 novembre 1918, F-69622 Villeurbanne.
Résumé : L'aire de répartition actuelle de la
marmotte dans le département de la Drôme est en extension à
la suite de réintroductions. Le suivi de l'opération menée
sur la commune de Valdrôme a été entrepris depuis le
premier lâcher en 1992. Soixante-dix marmottes ont été
lâchées sur la commune de Valdrôme (Drôme) et 17 sur
la commune voisine de La Piarre (Hautes-Alpes). Trois à cinq groupes
familiaux, totalisant 34 terriers, se sont installés à
proximité les uns des autres, formant une colonie. Quelques terriers
isolés et éloignés sont occupés par des individus
seuls. L'importance de l'activité fouisseuse de cette dernière
année et son extension spatiale confirment l'installation des marmottes
sur ce site.
Mots-Clés : Marmotte alpine, Marmota marmota,
réintroduction, suivi de population, Drôme.
Abstract: Re-introduction survey of Alpine marmot in
Valdrôme.
The marmot range in the Drôme department is increasing due to
re-introductions. A post release monitoring was undertaken in Valdrôme
since the first marmot release in 1992. In 1995, seventy marmots had been
released in that commune. Three to five family groups, counting 34 burrows,
settled near each other forming a colony. Some isolated burrows were occupied
by individuals. This last year, a significant digging activity and an
increasing range prove that the establisment of marmot is in progress.
Key-Words : Alpine marmot, Marmota marmota, reintroduction,
population monitoring, Drôme.
L'aire de répartition de la marmotte s'étend sur la
région holarctique. Originaire de l'Amérique du Nord, elle a
atteint l'Europe durant le Pléistocène, occupant les plaines
pendant les périodes froides. Puis, la marmotte a disparu de ces
dernières pour ne subsister que dans les Alpes et les Préalpes.
En France, après un déclin dans les Alpes jusqu'après la
deuxième guerre mondiale et des disparitions locales (dans le Vercors,
la marmotte a été chassé pour sa fourrure jusqu'au
XVème siècle, avant de se raréfier fortement, Müller
1913, 1941), la marmotte alpine présente, depuis 1964, une phase
d'expansion spatiale dans le massif alpin comme dans les massifs
préalpins (Magnani et al. 1990). Pour ces derniers, l'expansion
est probablement due aux nombreuses opérations de réintroduction
et de renforcement de populations de marmottes réalisées en
France ces dernières années (Ramousse et al. 1992b). Ces
transferts de populations permettent d'une part de limiter l'expansion des
populations dans des zones d'activité agricole de montagne (prés
de fauche), et d'autre part, de restaurer la faune locale, de maintenir les
paysages et d'être un facteur de développement touristique non
négligeable dans les massifs préalpins (Dousset 1996,
Thiébaut 1994). En particulier, dans la Drôme, des
réintroductions passées ou en cours favorisent la
réapparition des marmottes dans les massifs préalpins. La
réintroduction de marmottes sur la commune de Valdrôme est suivie
depuis son début et nous faisons le point sur cette opération
trois ans après.
L'aire de répartition actuelle de la marmotte dans le
département de la Drôme s'étend sur 18 communes
(Fédération Départementale des Chasseurs de la
Drôme, 1994). En 1975, les populations de marmottes n'étaient
localisées qu'à l'est du département, Haut-Diois/Vercors.
L'expansion actuelle est le résultat de lâchers successifs,
à l'initiative de divers organismes, comme la FRAPNA, le Parc Naturel
Régional du Vercors, des Associations Communales de Chasse
Agrées. Ces opérations de réintroduction étaient,
le plus souvent, peu organisées : absence d'étude
préalable et/ou de suivi. Depuis, la DDAF de la Drôme s'est
engagée dans la réalisation d'une réintroduction
structurée de la marmotte sur le massif de Valdrôme (Ramousse
et al. 1992a).
Le statut général est précisé dans ce volume par
Janin (1996). La marmotte est un gibier dont la chasse est autorisée,
tout en bénéficiant de mesures de protection. Les
réintroductions sont réglementées. Dans la Drôme, la
marmotte est protégée par l'arrêté
préfectoral qui règle chaque année les dates d'ouverture
et de clôture de la chasse et les espèces qui ne peuvent
être chassées.
Selon
les recommandations internationales (I.U.C.N. 1987), tout programme de
réintroduction devrait, en principe, s'effectuer en 4 phases distinctes
: 1- étude de faisabilité.
2- phase de préparation.
3- phase de lâcher.
4- post-phase de suivi, renforcement.
Malheureusement, bien souvent les phases 1 et 4 sont absentes. En réalité, peu
d'informations sont disponibles pour la phase 1, c'est pourquoi il est
important de mettre au point des recommandations de réintroduction
propres à l'espèce, à partir des programmes d'étude
de la marmotte alpine soutenus par le Ministère de l'Environnement
(EGPN) en collaboration avec l'Office National de la Chasse et les Parcs
Nationaux (ce volume, Geay et al. 1996, Ramousse & Le Berre 1996).
Une première proposition de réintroduction de la marmotte
alpine, dans la commune de Saou-La Chaudière, a été
avancée par la division de la protection de la nature du C.T.G.R.E.F. ,
dans le cadre d'une étude sur la forêt de Saou (MQVE, CTGREF,
1976). En effet, cette espèce présente certains avantages : elle
ne cause pas de dégâts gênants dans les zones de
déprise agricole, elle est intégrée dans la chaîne
alimentaire des carnivores (renards) et des rapaces (aigle royal) et elle est
attrayante pour le public. Ainsi, un projet de réintroduction a
été proposé en 1990, par la D.D.A.F. de la Drôme,
sous la responsabilité de M. Traversier, en collaboration avec le
laboratoire de socioécologie de Lyon 1, pour les massifs de Saou-La
Chaudière et de Valdrôme dont les caractéristiques
écologiques paraissaient favorables à l'installation des
marmottes (pelouse alpine, sols rocheux, pression anthropique faible ;
Ramousse et al. 1992a).
La commune de Valdrôme est localisée à l'est de la
vallée de la Drôme dans le canton de Luc-en-Diois (44deg. 28 N, 05
35 E). Le climat est soumis aux influences montagnardes et de Haute-Provence.
Le canton est faiblement peuplé : 5 hab/km2. L'orientation
agricole du canton est principalement dirigée vers les exploitations
ovines (près de 40% des unités à temps complet).
Cependant, le canton subit fortement la déprise agricole. En effet, le
nombre d'exploitations agricoles chute, ainsi que le cheptel. Pour la commune
de Valdrôme, le nombre d'exploitations est passé de 16 en 1979
à 10 en 1988, de même les troupeaux de brebis-mères ont
diminué de plus de 200 têtes sur cette période.
Le sous-sol est constitué de gros bancs de calcaire berriasien gris,
beige ou blanc.
Les marmottes, obtenues grâce à l'aimable contribution du Parc
National de la Vanoise, ont été lâchées en 1992 (19
animaux), dans un pierrier en zone semi-forestière (1400 m) à
Font Froide sous la montagne de Diridaret. Des traces de fouissage ont
été repérées aux alentours du point de lâcher
mais aucune marmotte n'a été revue. En 1993, 24 marmottes ont
été libérées dans une prairie, à la limite
de la forêt, sous la montagne de la Sarcéna, à
proximité du Duffre (Font du loup, 1500 m). Sur le même site,
respectivement 4 et 23 marmottes ont été lâchées en
1994 et 1995. Soit un total de 70 pour le massif de Valdrôme, auquel
s'ajoute en 1995, 17 marmottes relâchées à proximité
du Duffre dans la commune de La Piarre (Hautes-Alpes, Douvre communication
personnelle 1996).
L'installation de marmottes sur la montagne de l'Aup au niveau du Pas de la
Lauze se confirme (3 terriers en 1993, 4 individus vus ; 16 terriers en 1994,
6 individus vus dont 3 marmottons), justifiant la poursuite du renforcement
pour cette population.
Les marmottes ont été capturées à l'aide de
pièges à palette homologués en 1992, puis avec des
cages-pièges à deux portes, moins traumatisantes pour l'animal
(Le Berre et al. 1992). Pour chaque animal, nous avons établi une
fiche biométrique (Annexe 1), ensuite nous l'avons marqué
à l'oreille. Enfin, au cours de la nuit, les marmottes ont
été transportées (4 heures) en camionnette sur le site
d'accueil, à l'intérieur de cage en bois à claire-voie.
Les captures sont réalisées au printemps, entre
l'émergence de l'hibernation et la mise bas. Dans ces conditions, les
animaux relâchés sont supposés avoir le temps de rechercher
un site favorable au creusement des terriers pour passer l'hiver. Ainsi, ils
pourront s'habituer à leur nouveau milieu et reconstituer une structure
sociale, essentielle à leur survie (Le Berre et al. 1993,
Ramousse & Le Berre 1993a et b). Nous avons tenté de repérer
l'appartenance des animaux à un groupe familial donné. Cependant,
aucun groupe familial complet n'a été capturé. La
cohésion des membres d'un groupe familial, relâché au
même moment, limiterait probablement leur dispersion et permettrait la
reconstitution rapide des structures familiales (Ramousse & Le Berre 1993b).
Les 70 marmottes relâchées sur le site de Valdrôme depuis
1992 proviennent du Parc National de la Vanoise (Commune de Bonneval-sur-Arc,
vallons de la Lenta et de la Duis et commune de Termignon). Le 22 mai 1992, sur
les 19 marmottes capturées, 5 venaient de la commune de Termignon et 14
de la commune de Bonneval-sur-Arc, vallon de la Lenta. Le 7 juin 1993, les 24
marmottes capturées, commune de Bonneval-sur-Arc : 15 vallon de la
Lenta, 9 vallon de la Duis. Le 18 juin 1994, les 4 marmottes capturées
venaient de la commune de Termignon. Le 9 juin 1995, sur les 23 marmottes
capturées sur la commune de Bonneval-sur-Arc, 17 venaient du vallon de
la Lenta et 6 du vallon de la Duis. La réintroduction de marmottes
issues de deux populations distinctes permet un brassage
génétique et limite les risques de dérive
génétique dus à l'isolement d'un petit nombre
d'individus.
Figure 1 : A : Estimation de la sex-ratio à l'aide de la distance
ano-génitale et de la masse corporelle des 19 marmottes introduites en
1992 (8 femelles et 11 mâles)
La courbe est la fonction discriminante entre les mâles et les femelles,
soit : Ln(Y) = 0,56 Ln(X) - 0,91 .
B : distribution en fréquence de la masse corporelle du groupe de
marmottes
La sex-ratio des animaux lâchés est déterminée
à partir de la distance ano-génitale en fonction de la masse
corporelle (figure 1).
Au cours de l'année 1995, six sessions de prospection et d'observation
sur le terrain ont été effectuées sur la montagne de l'Aup
: le 25 avril, les 29 et 30 mai, le 9 juin, les 28 et 29 juin. Le 14 septembre,
les deux versants du Duffre ont été explorés et le 27 mars
1996 la sortie d'hibernation des marmottes a été
vérifiée et les terriers ouverts repérés.
Les terriers ont été localisés sur une carte et des
points de références pour la latitude et la longitude ont
été établit à l'aide d'un GPS. De plus, nous avons
noté les différentes caractéristiques des terriers : forme
de l'ouverture et du déblai, composition du déblai (pierres,
terre, herbe...), profondeur du terrier et si le terrier est creusé en
"pleine terre" ou non. Le comportement des marmottes et leurs mouvements ont
été observés à l'aide d'une lunette et de jumelles
par balayage visuel.
Les marmottes ont été localisées à la Combe
d'Hautour (44deg. 28' N et 5deg. 36' E, altitude 1400-1500m) près du Pas
la Lauze (1553 m d'altitude), à 1,5 km du point de lâcher. Cette
combe, orientée Sud-Est/Nord-Ouest, a été cultivée
au siècle dernier et les parcelles sont encore visibles.
Figure 2 a et b : Localisation de l'ensemble des terriers sur le site de
Valdrôme
En 1993, seulement quatre animaux avaient été aperçus au
niveau de la plaque calcaire de La Lauze, se réfugiant dans ses fissures
en cas d'alerte.
En 1994, un couple et trois marmottons occupaient cette plaque calcaire. Dans
une fissure se trouvait le terrier principal (1) et quatre abris (2, 3, 4, 5)
avaient été creusés à proximité. Tout le
pourtour de cette plaque indiquait des passages fréquents de marmottes.
Au bord de la falaise, trois terriers avaient été
aménagés (6, 7, 8) sur une petite vire. Au-dessous de la plaque
calcaire, un terrier important (9) avait été creusé en
pleine terre, ainsi qu'un terrier abri (10). En face de la lauze, de l'autre
côté du thalweg, deux terriers avec des déblais caillouteux
avaient été dégagés (11 et 12). En redescendant le
thalweg, à proximité d'arbres, deux terriers abris (13, 14)
étaient aménagés dans un muret. Plus bas, au pied dune
petite falaise calcaire, se trouvaient deux autres terriers (15, 16).
En avril 1995, huit terriers supplémentaires étaient
présents dans cette zone (17 à 24). Six nouveaux terriers-abris
fraîchement creusés s'ajoutaient aux précédents (25
à 30), le 9 juin, et quatre autres (31 à 34), le 28 juin. Le 14
septembre, seuls deux nouveaux terriers (35 et 36) ont été
répertoriés dans un vallon plus éloigné (500 m) qui
n'avait pas été prospecté auparavant. Le 27 mars, des
traces fraîches de marmottes dans la neige, ainsi que des déblais
de terriers fraîchement remués (9, 11 et 12) indiquaient que des
marmottes étaient sortie d'hibernation. Les marmottes d'une zone alpine
d'altitude comparable (Prapic) émergent d'hibernation au cours de la
dernière semaine de mars. Certaines de ces pistes repérables se
dirigeaient vers le Duffre, alors que d'autres descendaient au Pas de la Lauze
en direction d'Auron. Dans la Combe d'Hautour, les rares plaques de neige ne
permettaient pas de déterminer avec précision les trajets. Aucun
animal n'a été vu ce jour là, du fait de nappes
fréquentes de brouillard et d'un vent fort.
En fait, les marmottes ont creusé des terriers sur : 1- la pente
exposée au Nord-Ouest et Nord-Est de la combe ; 2- la pente
exposée plein Nord, au-dessous du Pas de Lauze ; 3- la crête
calcaire exposée au Sud-Est. En tout 36 terriers ont été
comptabilisés sur ce site (Drôme) et 8 terriers sur le versant
Hautes-Alpes du Duffre (1,5 km du groupe A).
Le domaine vital est la surface de terrain où s'exercent toutes les
activités d'un individu ou d'un groupe d'individus. La structure du
domaine vital et le territoire d'un groupe familial de marmottes alpines se
recouvrent. Ils sont formés de deux zones (Perrin 1993) : un
système principal comprenant l'hibernaculum (terrier d'hibernation) et
le(s) terrier(s) occupés pendant l'été et une zone
périphérique entourant le système principal et ne
comprenant que des abris.
Sur le domaine vital on peut distinguer plusieurs types de terriers. Le
terrier principal est formé d'une galerie de plusieurs
mètres qui aboutit à la chambre d'hibernation dont le sol est
recouvert d'herbes sèches. Il est utilisé pour la reproduction,
la mise bas et le sevrage des marmottons avant leur première sortie,
uniquement par la femelle reproductrice. D'autres terriers peuvent, pendant la
belle saison et la période de sevrage des marmottons, servir de refuge
et de lieu de repos nocturne et diurne au mâle adulte et aux autres
individus non reproducteurs. Les terriers secondaires constituent des
abris temporaires et n'ont en général qu'une ouverture. Ils
peuvent être de simples abris naturels que la marmotte a
aménagés. Les latrines sont internes ou localisées
dans des creux plus ou moins profonds, à même le sol ou sous un
rocher, et recèlent de nombreuses fèces.
Les terriers principaux, localisés de préférence sur des
buttes, des rebords ou à proximité d'une grosse masse rocheuse,
se distinguent des terriers secondaires par : une entrée de dimension
importante (> 20 cm), un déblai très volumineux, la
présence de fèces et de foin sur le déblai, la
présence de mouches en été avec une odeur sui generis,
une zone de repos à sa proximité, des traces de
l'activité fouisseuse et de présence des marmottes, dès la
sortie d'hibernation. Les grandes latrines externes, qui sont souvent
associées à ces terriers, sont absentes comme les fèces
isolées ainsi que cela a été observé dans de
nombreux sites de réintroduction (Ramousse et al. 1994).
Figure 3 : Dimension des déblais (largeur et longueur) pour
chacun des terriers de la combe d'Hautour. Les flèches mettent en
évidence les terriers de type "principal".
Ainsi, cinq terriers de type principal ont été recensés
sur le site de Valdrôme : les terriers 1, 9, 11, 12 et 32 (fig. 2). Tous,
à l'exception du terrier 1, présentent un déblai important
(fig. 3). Pour ce dernier, l'absence de déblai s'expliquerait par
l'utilisation d'une cavité naturelle aménagée par les
marmottes dans les fissures de la plaque calcaire. Le terrier 9 est
creusé en pleine terre et serait, d'après le berger local, un
ancien terrier de fouine colonisé par les marmottes. Les autres terriers
ont des déblais, en forme de croissant, constitués de pierres
jaunâtres de dimensions importantes : 10/13 à 12/15 cm. Cette
observation met en évidence la capacité des marmottes à
creuser dans des substrats a priori difficiles.
Figure 4 : Dimension de l'ouverture de l'entrée (largeur et
hauteur) pour chacun des terriers de la Combe d'Hautour.
La taille de l'ouverture des terriers ne met pas en évidence aussi
clairement les terriers principaux que les déblais (fig. 4). En effet,
cette mesure est peu précise et va dépendre du type de substrat
(roche, terre). Les dimensions moyennes de l'ouverture des terriers sont de
21,7 cm de largeur sur 17,8 cm de hauteur.
Les terriers principaux observés sur le site, ne présentent
qu'une seule entrée, contrairement aux observations habituelles. Deux
hypothèses peuvent être avancées afin d'expliquer l'absence
de plusieurs entrées, soit le substrat calcaire est un obstacle à l'établissement de nouvelles entrées, soit cette absence résulte de l'installation récente des marmottes.
Le nombre de domaine vitaux est difficile à déterminer à partir de nos observations.
Il serait compris entre 3 et 5 groupes (figure 5) : - A, plaque calcaire de la Lauze
; B, début de la combe ; C, bord de falaise ; D, fond de la combe ; E, Pas de la
Lauze.
Les groupes A et B correspondent aux premiers sites d'installation. Le groupe A dispose
de fissures dans la plaque de calcaire offrant des abris immédiats, alors que le
groupe B n'a pu s'installer qu'après avoir creusé des terriers dans un sol très caillouteux. La distinction entre les groupes B et D ainsi que A et C n'est pas certaine.
En particulier des marmottes ont été vues passant de A à C. Des domaines vitaux seraient
en voie de formation : au Pas la Lauze (E) et peut être au fond des combes d'Hautour (D). En effet, les terriers de ces derniers sont apparus au cours de nos passages
successifs. Pour le groupe E, les deux terriers ont été creusés entre le 30 mai et
le 9 juin, et pour le groupe D, le terrier 30 a été creusé entre le 9 juin et le
28 juin. Les marmottes présentent donc une activité de fouissement importante, confirmant leur
installation sur le site et certainement la formation de nouveaux groupes familiaux.
Cette dernière hypothèse sera à confirmer dans les prochaines années par l'observations des allées et venues de l'ensemble des marmottes, afin de déterminer leurs domaines
vitaux respectifs. Du fait de la proximité de ces groupes familiaux, ils constituent
une colonie. Cependant, quelques terriers isolés et éloignés (> de 500 m) semblent
indiquer que des individus cherchent à coloniser des zones plus éloignées.
La marmotte a un régime herbivore. Elle consomme de préférence des Dicotylédones et
privilégie la partie florale (Chovancova & Soltéva 1988, Massemin & Ramousse 1992,
Gibault 1994, Gibault et al. 1996, Bassano et al 1996). Son régime alimentaire n'est
pas encore bien défini et semble varier sensiblement selon les sites. Accessoirement
les marmottes se nourriraient de larves et d'imagos d'insectes. Un essai de détermination
partielle de la flore du site a été réalisé à la fin du printemps et au début de
l'été (tableau n 1, respectivement A et B).
< TD COLSPAN="2" >A B
|
Famille | espèce | | Famille | espèce
|
Renonculacées | Ranunculus montanus | | Liliacés | Phalangium ramosum
|
| Ranunculus gramineus | | Papilionacées | Trifolium pratense (3)
|
Cistinées | Helianthemum pilosum 2, (4) | | | Trifolium montanum (3)
|
Amaryllidées | Narcissus poeticus | | Gentianées | Gentiana campestris 3
|
Borraginées | Myosotis palustris | | Plantaginées | Plantago major
|
Liliacées | Tulipa celsiana | | Linées | Linum viscosum
Fritillaria tubiformis Campanulacées Phyteuma
|
Saxifragées | Saxifraga granulata | | Caryophyllées | Dianthus subacaulis
|
Polygalées | Polygala amara | | Composées | Aster alpinus
|
Papilionacées | Anthyllis montana (3) | | | Crepis jubata 2
|
| Anthyllis vulneraria (3) | | Scrofularinées | Veronica teucrium (3), (4)
|
| Lotus alpinus | | Labiées | Thymus serpyllum 2, 3, (1)
|
Primulacées | Androsace carnea
|
| Primula veris
|
Crucifères | Alysoides utriculata
|
Gentianées | Gentiana acaulis (1) (4)
|
| Gentiana verna 2
|
| Gentiana clusii
|
Tableau 2 : Déterminations de la flore typique des prairies de la montagne de l'Aup
A : à la fin du printemps (29 et 30 mai); B : du début de l'été (28 et 29 juin).
1, 2, 3, 4 espèces et genres (1, 2, 3, 4) consommés par les marmottes dans les Alpes
(1- Chovancova & Soltéva 1988, Tatra ; 2- Massemin 1992, Alpes françaises, Tarentaise
; Gibault 1994, Alpes françaises, Tarentaise ; Bassano et al. 1996, Alpes italiennes, Grand Paradis).
Ainsi, nous retrouvons des genres et des espèces qui ont été mis en évidence dans
les fèces de marmottes alpines de différents sites des Alpes françaises, italiennes
et des Tatras. Une étude plus approfondie de la flore du site serait nécessaire ainsi
qu'une étude coprologique dans le but de définir le régime alimentaire de la marmotte
Les marmottes ne se laissent pas facilement observer car elles ont une distance de
fuite élevée et un temps de réapparition au terrier assez long. Ceci est une caractéristique
des marmottes réintroduites et des populations peu souvent soumises à la pression anthropique.
Nous avons observé, simultanément, 5 marmottes, dont 2 probablement âgées de un an
(l'année précédente, 3 marmottons avaient été observés en A). La plupart du temps,
3 d'entre-elles se tenaient sur la grande plaque calcaire de la Lauze (A). Nous avons
aussi observé 2 marmottes au Pas de la Lauze et 2 autres à côté des terriers 20 et 21.
Enfin, l'après-midi du 30 mai nous avons observé les déplacements de deux marmottes
: l'une est montée de A vers C et n'est pas reparue et l'autre est descendue de la
plaque dans la pelouse, puis est remontée vers elle. La plaque de lauze apparaît comme
un élément essentiel sur le site. Elle est le lieu de repos et de guet du principal
groupe de marmottes du site.
Nous avons pu observer des activités de nettoyage des terriers comme le transport
d'herbe dans le terrier 20. Une fois, l'une des marmottes est passée du terrier 21
à 20 avec de l'herbe dans la bouche (9 juin), une autre fois, la marmotte venait
de la plaque de lauze, est redescendue dans le fossé près du terrier 18, elle a ramassé de
l'herbe et est montée au terrier 20 (29 juin). L'activité de fourragement n'a été
observée que dans la prairie en dessous et autour de la plaque rocheuse.
Nous avons entendu siffler les marmottes deux fois : des cris répétés dus à notre
présence et un cri d'alarme au passage d'un corbeau. Elles ont été aussi entendues
par un promeneur alors qu'un chien errait autour des terriers de la plaque calcaire
et par le berger lors du passage de son troupeau.
La structure sociale reste difficile à déterminer car nous ne connaissons pas la composition
des groupes : sexe, âge. En règle générale la marmotte alpine est considérée comme
monogame. La capture des animaux serait nécessaire pour préciser la composition des groupes.
Les marmottes se sont installées sur les crêtes et dans la vallée de la montagne de
l'Aup. Quatre terriers de type principal ont été localisés avec certitude sur le
site. La forte activité de fouissement des marmottes, en particulier au printemps
1995, confirme leur installation. Le nombre de groupes familiaux est encore difficile à déterminer,
entre 3 et 5. En effet, la définition de leurs limites est un problème non résolu
à ce jour. Pour cela il faudrait effectuer un suivi en continu des déplacements des marmottes et déterminer la fréquence d'utilisation de chaque zone du domaine vital.
La méthode est simple mais doit s'étaler sur une longue période d'observation à cause
du comportement assez farouche des marmottes de ce site.
- La cartographie des potentialités du milieu, en fonction de la topographie, de la
flore et du substrat permettrait de préciser les possibilités d'extension de ce groupe
de marmottes.
- Le suivi en continu du groupe (capture, marquage, relâcher), la détermination des
domaines vitaux et leur évolution spatio-temporelle devraient déboucher sur la compréhension
de la stratégie de colonisation d'un milieu nouveau.
- Une coordination des actions entreprises par les deux départements voisins serait
nécessaire pour optimiser les chances de réussite de l'installation des marmottes
sur ces zones frontières et pour en apprécier l'impact sur la région.
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