La probabilité de marquage
(probabilité d'observer au moins un événement de marquage au cours de la session de 10 minutes) varie de mâme. L'utilisation des modèles linéaires (logiciel GLIM) permet de retenir les deux facteurs "âge" et "période". Les facteurs "groupe" et "sexe" n'exercent pas d'effet significatif, non plus que l'interaction âge-période. Les probabilités estimées par le modèle sont données dans le tableau I. Les tests de (chi)2 partiels montrent que mai-juin diffèrent significativement de juillet qui diffère lui-mâme d'août-septembre. Les différences entre les trois classes d'âge sont également significatives.
Figure 1. Répartition des marquages au sein des territoires des trois groupes observés.
oe : emplacement des systèmes principaux de terriers. : 1 marquage pour 100 m2
| Age
| Période | 1 an | 2 ans | adultes
|
---|
Mai | 0,27 | 0,55 | 0,83
|
---|
Juin | 0,3 | 0,59 | 0,85
|
---|
Juillet | 0,13 | 0,34 | 0,67
|
---|
Août | 0,04 | 0,13 | 0,37
|
---|
Septembre | 0,05 | 0,15 | 0,42
|
---|
Tableau I. Probabilités de marquage (l ) estimées en fonction de l'âge et de la période.
Modèle retenu: l = m + âge + période. (m: terme général du modèle).
Résultats de l'expérimentation
Sur les 24 tests effectués (3 répétitions x 8 groupes), 6 cas de non réponses ont été observés, les animaux résidents du groupe testé n'ayant pas approché les piquets au cours des 2 heures d'observation imparties.
Lors des 18 tests positifs, nous avons observé 16 (soit 88%) cas de surmarquage (marquage du piquet portant l'odeur étrangère) et 8 (44%) marquages du piquet neutre. Les temps médians de marquage ont été respectivement de 9 et 1 secondes. 82% de l'ensemble des marquages ont été réalisés par l'un des membres du couple adulte résident de chacun des groupes.
DISCUSSION
Le marquage jugal chez Marmota marmota prédomine chez les adultes et diminue au cours de la saison d'activité. Ces résultats vont dans le sens d'une relation entre le comportement de marquage et l'activité reproductrice. Des résultats comparables ont été obtenus chez Marmota monax par Hébert et Prescott (1982) et concordent avec la diminution des androgènes de mars à octobre (Bronson 1964). Les dosages hormonaux effectués par Saboureau (1992, le présent opuscule, p. 89) chez M. marmota confirment pleinement cette interprétation. Toutefois nous n'avons pu mettre en évidence une influence du sexe sur le comportement de marquage contrairement à Koenig (1958).
Ainsi que le mentionne Gosling (1982), la persistance du marquage au-delà de la période de reproduction implique que celui-ci remplisse d'autres fonctions. Il a suggéré que le marquage du territoire permette aux intrus potentiels de comparer l'odeur des marques et celle du résident en cas de rencontre et d'adapter son comportement en conséquence. Selon cet auteur, le résident doit, entre autres, a / répartir ses marques de façon à rendre maximum leur détectabilité par les intrus, b / supprimer ou remplacer les marques étrangères .
Concernant le second point, l'expérimentation effectuée montre que les marmottes sont à mâme de discriminer la présence d'une odeur étrangère et de la recouvrir de leur propres marques, ce qui concorde avec la prédiction de Gosling.
En ce qui concerne la localisation des marques, elles devraient âtre réparties sur la périphérie du territoire, ce qui est partiellement réalisé dans les groupes A et C. Dans tous les groupes cependant, les marques prédominent sur les terriers principaux, fait observé aussi chez M. monax (Hébert et Prescott 1982) et qui nécessite une autre explication. Gorman (1990) a suggéré l'existence de deux stratégies de marquage, l'une périphérique pour les "petits" territoires, l'autre à gradient croissant vers le centre pour les territoires de grande taille. Dans notre cas, ceci est problématique car les différences de superficie sont faibles. Il est possible que la topographie intervienne. En effet, les terriers principaux du groupe B sont situés sur deux petites buttes pourvues de nombreux rochers rendant aisée la détection visuelle des intrusions, ce qui n'est pas le cas dans les groupes A et C. Cette hypothèse devra âtre testée sur d'autres groupes.
Le marquage abondant des terriers principaux et de leurs alentours peut aussi fournir une référence spatiale pour la dominance et permettre aux résidents un accès quasi exclusif à des sites (ressources) primordiaux (Gosling 1982). Bien que cet argument soit très difficilement testable, il est possible aussi que ceci facilite la familiarisation à l'espace tout particulièrement pour les jeunes. Ceux-ci, au cours de l'extension progressive de leurs déplacements, pourraient "apprendre" et se familiariser avec la structure et les limites du domaine vital de leur groupe familial.
Références bibliographiques
Altman J. 1974. Observational study of behaviour or sampling methods. Behaviour, 49: 227-267.
Armitage K. B. 1974. Male behaviour and territoriality in the yellow-bellied marmot. J. Zool. London, 172: 233-265.
Armitage K. B. 1976. Scent marking by yellow-bellied marmot. J. Mammal., 57 (3): 583-584.
Bronson F. H. 1964. Agonistic behaviour in woodchucks. Anim. Behav., 12 (4): 470-475.
Gorman M. L. 1990. Scent marking strategies in mammals. Revue Suisse Zool., 97 (1): 3-29.
Gosling L. M. 1982. A reassessment of the function of scent marking in territories. Z. Tierpsychol., 60: 89-118.
Hebert P. & Prescott J. 1983. Etude du marquage olfactif chez la marmotte commune (Marmota monax) en captivité. Can. J. Zool., 61:1720-1725.
Koenig L. 1958. Beobachtungen über Reviermarkierung sowie Droh-, Kampf- und Abverhallten des Murmeltieres (Marmota marmota L.). Z. Tierpsychol., 14 (4): 510-520.
Lenti-Boero D. (1992). Building a functional ethogram for alpine marmot (Marmota marmota L.): the role of marking patterns. Proc. 1st International Symposium on Alpine Marmot and on genus Marmota, Bassano B., Durio P., Gallo Orsi U., Macchi E. eds, 85-99.
Müller-Using D. 1956. Zum Verhalten des Murmeltieres (Marmota marmota L.). Z. Tierpsychol., 13 (2): 135-142.
Ouellet J. P. & Ferron J. 1988. Scent marking behaviour by woodchucks (Marmota monax). J. Mammal., 69 (2): 365-368.
Perrin C., Coulon J. & Le Berre M. 1993. Social behaviour of alpine marmot (Marmota marmota): seasonal, group and individual variability. Can. J. Zool. , sous presse.
Zelenka G. 1965. Observations sur l'écologie de la marmotte des Alpes. Terre et Vie, 112: 238-256.
Remerciements
Ce travail a été réalisé grâce au soutien financier du Ministère Français de l'Environnement (Contrat EGPN) et du Ministère de la Recherche (contrat CNRS, Programme Environnement). Il a pu se dérouler grâce au soutien actif de l'administration et des agents du Parc National de la Vanoise, que nous tenons à remercier.
A suivre...
Retour ou sommaire